Prise en charge sanitaire des réfugiés Congolais au Burundi: Une réponse humanitaire cruciale mais insuffisante

Prise en charge sanitaire des réfugiés Congolais au Burundi: Une réponse humanitaire cruciale mais insuffisante

Bujumbura – Marie*, 28 ans, a été contrainte de quitter sa localité de Kamanyola en République démocratique du Congo (RDC), à cause du conflit armé. Elle a trouvé refuge au Burundi et y vit depuis mars 2025. Assise devant la tente médicale installée dans le camp de réfugiés, Marie, enceinte de son premier enfant, attend son tour pour la consultation prénatale à 7 mois de grossesse.  

« C’est ma première consultation prénatale. Je n’ai pas pu en faire dès le début de ma grossesse parce que je n’avais pas accès à une structure de santé dans ma région à cause du conflit armé.  Après les séances de sensibilisation sur l’importance des consultations prénatales, je suis venue voir l’état de santé de mon futur bébé. »

Depuis janvier 2025, la RDC fait face à une escalade de la violence dans l’est du pays, obligeant des milliers de personnes à chercher un endroit plus sécurisant. A la date du 31 mai 2025, plus de 71 000 Congolais ont trouvé refuge au Burundi. Ces personnes, principalement des femmes et des enfants, ont été accueillies sur trois principaux centres de transit : Rugombo, Cishemere dans le district sanitaire de Cibitoke, et Gihanga dans le district sanitaire de Bubanza. Le voyage ardu a eu un impact sur la santé de nombreuses personnes à cause de la marche prolongée et du manque de nourriture et d'eau.

D’après le Centre des opérations d’urgence en santé publique (COUSP), certains réfugiés sont hébergés dans les communautés et d’autres ont été accueillis dans les camps. Ces derniers ont vite été débordés, entrainant des conditions d’hygiène très précaires ayant même causés des maladies comme le choléra et la rougeole.

En réponse à cette crise humanitaire et pour prévenir les épidémies, les Nations unies et leurs partenaires ont lancé un appel pour mobiliser 9,2 millions de dollars américains. Ce fond servira à fournir une assistance sanitaire et en nutrition, en rendant disponible les médicaments, l’eau, l’assainissement et les services de santé de base notamment la vaccination. 

« Un afflux important de personnes vivant dans des conditions précaires présente un risque d'épidémies et d'autres problèmes de santé publique notamment la malnutrition et des troubles mentaux », a relevé le Dr Jim Thierry Ntwari, coordonnateur du groupe sectoriel santé au bureau de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) au Burundi. « La mise en œuvre d'interventions sanitaires préventives et curatives, ainsi que l'intensification de la surveillance, est une priorité pour préserver la santé des populations réfugiées et des communautés d'accueil », ajoute le Dr Ntwari.

Pour répondre aux besoins en matière de santé, le gouvernement burundais et ses partenaires dont l’OMS, ont mis en place cinq unités de soins à proximité des 3 camps de réfugiés de Cibitoke et de Bubanza. Depuis le début de la crise humanitaire en janvier 2025 jusqu’au 31 mai de la même année, plus de 7600 personnes ont eu accès à une prise en charge sanitaire. 

« Dès l’arrivée des premiers réfugiés, il y a eu une évaluation des besoins et nous avons décidé de mettre en place des équipes mobile de santé pour la prise en charge sanitaire. L’OMS a appuyé dans la mise en place de ces équipes et avec les intrants de secours et cela a permis aux autres partenaires de mobiliser les fonds pour appuyer la prise en charge », confie la Dre Liliane Nkengurutse, directrice du COUSP.

Des ONG locales, telles que l'Association des femmes médecins et Midwife in Action, organisent des séances de sensibilisation sur les consultations prénatales, le dépistage de la malnutrition, la vaccination et la prévention de la mpox. Les femmes enceintes ont également accès à des soins prénataux et les personnes souffrant de malnutrition reçoivent un traitement adapté. 

Mère de trois enfants, Emelyne Butoyi travaille comme sage-femme dans le camp de réfugiés de Rugombo. Elle organise des consultations prénatales et des séances de sensibilisation à la santé maternelle et infantile. Emelyne reçoit en moyenne une vingtaine de femmes enceintes par jour. « Je me lève tous les matins et je viens ici car j’aimerai voir les femmes enceintes et les enfants de ce camp retrouver l'espoir et le sourire grâce à l'information ou aux soins qu'ils reçoivent », indique-t-elle. « J'ai été profondément marquée par les situations que ces femmes enceintes ont vécues dans leur pays. Malgré cela, elles trouvent le courage de continuer à vivre avec l'espoir que la situation change. » 

L'association Midwife in Action intervient sur les sites de réfugiés de Rugombo et Gihanga avec pour objectif de contribuer à la réduction de la mortalité maternelle et néonatale. « Nos interventions visent à assurer la continuité des soins et l'intégration de la lutte contre la mpox dans les services de santé sexuelle et reproductive, la planification familiale, les consultations prénatales, la nutrition, le VIH/IST et la vaccination », explique Augustin Harushimana, président de l’ONG Midwife in Action. Des séances de sensibilisation contre l’exploitation, l’abus et le harcèlement sexuels sont également organisées à l’intention des réfugiés. « Nous rencontrons de nombreux cas d'anémie sévère, d'infections urinaires, de paludisme et de malnutrition. Et grâce à la coordination des interventions, certains malades sont pris en charge par MSF et d’autres par les structures de l’Etat pour le traitement des cas de malnutrition », souligne M. Harushimana. Le paludisme (38 %) est de loin la pathologie la plus fréquente, suivi par les parasitoses intestinales (10 %), les dermatoses (10 %) et le syndrome grippal (8 %), précise le responsable de Midwife in Action. Chez les femmes enceintes, 17 % des consultations prénatales concernent des grossesses à haut risque. 

Selon les statistiques fournies par Midwife in Action dans les 2 camps, près de 90 personnes reçoit au quotidien des soins curatifs et une quarantaine de femmes viennent à la clinique pour des consultations prénatales. 

« Je suis contente de savoir que mon bébé se porte bien. Les infirmières ont été très gentilles, et m’ont conseillée de faire régulièrement des consultations avant l’accouchement », dit Marie, à la sortie de sa consultation. 

 

 

 

 

* Nom d’emprunt

 

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